Discutida / Débat

Quelle Europe après le non ?

Intervention GLT Béziers avant la conférence de RM Jennar le 21 01 08, Jaume Giniers
jeudi 31 janvier 2008.
 

Quelle Europe après le non ?

Intervention GLT Béziers avt conf RM Jennar 21 01 08

Adieussiatz a totes

Merci à Raoul Marc Jennar de nous laisser un peu de place sur son temps de conférence pour nous permettre de nous présenter.

GLT est né sur le plateau du Larzac le 9 août 2003, date anniversaire du trentenaire de la marche pour soutenir les paysans qui s’opposaient à l’extension du camp militaire sur le plateau. Le pot de terre contre le pot de fer : une poignée de paysans qui font face à l’armée et .. finalement font reculer le pouvoir !

Le 9 août 2003 était aussi un rassemblement contre l’OMC, un moment de réflexion sur les méfaits de la mondialisation économique. Enorme foule multicolore écrasée par le soleil de l’été 2003. Quel meilleur rempart contre la couleur brune de la droite, contre son monolithisme que ce foisonnement de couleurs et d’idées. Un slogan dominait : « Un autre monde est possible ! »

Tout ce monde discutait, débattait, échangeait, polémiquait aussi, bien sûr...mais tous se parlaient et tous s’écoutaient .

Et c’est de ce grouillement que GARDAREM LA TÈRRA est née : nous garderons (dans le sens de nous surveillerons ) la terre- la planète.

Le nom fait référence à notre appartenance à la minorité historique occitane et pose notre repère culturel, il rappelle aussi le slogan Gardarem Lo Larzac ! symbole du rassemblement des luttes ouvrières et paysannes (Lip Larzac même combat), il s’inscrit naturellement dans l’internationalisme des luttes altermondialistes nées sur le Larzac il y a plus de 30 ans avec la moisson pour le tiers monde.

Voilà notre ambition, nos deux jambes pour avancer : notre appartenance à l’espace occitan d’une part et, d’autre part, notre volonté de nous inscrire dans la lutte contre la mondialisation cannibale, destructrice des hommes et au-delà de notre planète. Luttes aux côtés et avec les peuples opprimés, sans terre, comme les Indiens Mapuche du Chili spoliés de leur territoire historique, criminalisés et jugés par des lois antiterroristes mises en place par Pinochet et que Mme Bachelet a conservées... Mais aussi au côté des travailleurs occitans de Perrier, de Jallatte en Cévennes victimes des délocalisations, des Salins de Giraud et d’Aigues-Mortes, ou des marins corses qui défendent leur outil de travail. Gardarem la Tèrra est présent sur les fronts de lutte pour défendre les services publics républicains et laïques, attentif à ce que la spécificité occitane soit reconnue dans l’espace public à l’école, dans les médias, dans les activités cuturelles, dans la vie en général, et qu’on ne nous fasse pas le procès de mettre en danger la laïcité ; si elle est menacée ce n’est pas par la pluralité des cultures et des langues mais bien par les positions inquiétantes de notre président chanoine... L’école publique et laïque doit s’ouvrir partout aux langues historiques de France. La marchandisation de nos sociétés va de pair avec l’uniformité, la standardisation sauce Mac Do. Pour mettre à disposition de Coca Cola des parts de cerveau il faut distiller à tous le même bouillon fadasse et que tous soient prêts à l’avaler. Notre résistance à nous, notre façon de refuser cette soupe là c’est de parler « la lenga nòstra », c’est de revendiquer la pluralité culturelle, source d’enrichissement et d’ouverture vers l’autre.

Le 29 mai 2005 le non de gauche au TCE a soulevé beaucoup d’espoirs. Nous nous sommes pris à rêver d’une autre Europe qui s’articule sur ces régions historiques. Robert Lafont, notre président d’honneur, à la suite du référendum, écrivait à propos de l’Europe : « non pas celle qui s’est si mal construite, des États “allant au guichet,” mais une Europe des peuples, géographiquement et culturellement remodelée ; »

Malheureusement depuis le 29 mai 2005 non seulement l’idée d’une autre Europe est en panne, mais en plus notre président bondissant qui n’a pas envi de s’embarrasser de l’avis du peuple, a décidé, avec la complicité de la vraie droite et de la fausse gauche, d’effacer cet épisode politique, de faire comme si rien ne s’était passé. Cette drôle d’Europe n’est pas celle des peuples, la volonté est de tenir les peuples à l’écart des processus de décision. Quel mépris pour la démocratie !

Je me souviens qu’à Alès en 2006, RMJ nous avait rappelé qu’au tout début de la République, dans le foisonnement des idées, les représentants du peuple avaient longuement discuté pour trancher sur la forme de démocratie : directe ou représentative. Finalement la démocratie représentative avait été retenue mais avec deux conditions impératives : l’indépendance de la presse, et la révocabilité des représentants. On voit où nous en sommes actuellement : la presse.... , et des élus qui sont de plus en plus des professionnels de la politique, des élus du peuple avec sécurité d’emploi et bonnes retraites. Ces élus, complices du patronat glouton, qui ont laissé se développer la précarité, eh bien nous, nous souhaitons revenir aux origines républicaines et pour le coup la précarité changerait de côté !

Pour terminer, j’évoquerai Jaurès. Oh, ce n’est pas très original ! Tout le monde ou presque cite Jaurès sans honte ! Heureusement que certaines personnes comme RMJ sont vigilantes et capables de clouer magistralement le bec à ces faussaires- manipulateurs qui allèrent même jusqu’à repeindre le drapeau rouge de Jaurès aux couleurs de l’Europe sur la photo qui le montre au Champ de Mars : Jaurès, cet esprit brillant qui est au côté des ouvriers de Carmaux, qui soutient les vignerons de 1907, Jaurès, ce républicain qui n’oublie pas son pays du sud, qui récuse le mot « patois » pour qualifier notre langue. Dans son discours du 28 avril 2005 à Maraussan, RMJ lui rend superbement hommage. J’espère que tu ne m’en voudras pas, Raoul, d’emprunter, pour conclure, une citation que tu mentionnes dans cette intervention. La métaphore est tout à fait appropriée à l’époque actuelle et à la région et elle illustre bien comment les divisions sont capables de nous déchirer, de nous pourrir.

Pour l’inauguration de la cave coopérative de Maraussan le 1er mai 1905, Jaurès disait (je vous le dis en français mais il le disait en occitan) :

« Dans une vigne, des raisins contrariants et imbéciles dirent qu’ils ne voulaient pas aller avec leurs frères qui se laissaient cueillir. On fit comme ils le voulaient, et ce qui se passa, c’est qu’ils pourrirent sur souche, tandis que les autres allèrent à la cuve, où ils firent le bon vin qui réjouit les coeurs. Paysans, ne demeurez pas à l’écart. Mettez ensemble vos volontés, et, dans la cuve de la République, préparez le vin de la Révolution sociale ! »

« Dins la tina de la Republica, preparatz lo vin de la Revolucion sociala ! »

Mercés a totes

Per GLT, Jaume Giniers

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