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Lenga e Aiga

Le thème de la Caravane 2005
2005.
 

En tant que mouvement d’action et de réflexion altermondialiste qui apporte une attention toute particulière au droit à la diversité culturelle et linguistique, la Federacion Generala Gardarem la Tèrra, initiatrice de la première caravane occitane (février 2004), avait mis au cœur de cette dernière les analyses et revendications figurant dans l’ "appel pour la justice linguistique en France " (pétition de 2002), ainsi que les objectifs exposés dans le texte commun IEO, FÉLIBRIGE, FELCO, CALANDRETAS, ÒC-BI adopté à l’occasion des premières assises des Langues de France (4/10/03). La résolution adoptée le 4 septembre 2003 par le Parlement européen en faveur des " langues régionales et minoritaires " reste largement bafouée par le comportement de certains Etats, notamment la France : les propos du chef d’Etat et du gouvernement en faveur de la diversité linguistique sont exclusivement à usage extérieur, en particulier, les moyens publics ne sont pas mis en œuvre pour que la transmission et le développement des langues de France autres que le français soient assurés (quasi absence de sections bilingues en maternelle et primaire, minimisation du nombre de postes en particulier au CAPES d’Occitan alors que l’option ne peut être proposé dans une très faible proportion de collèges et lycées, difficultés de financement des calandretas, place marginale et à éclipses dans les grands médias, etc...) ... C’est l’enjeu de la manifestation du 22 octobre 2005 à Carcassonne, à l’appel de IEO, FELCO, Calandretas, d’Òc-Bi et Consèlh de la Joventut d’Òc : cette manifestation sera le premier rendez-vous public de la seconde caravane occitane.

Mais la question des droits culturels et linguistiques ne peut pas être traitée indépendamment de l’ensemble des autres droits humains fondamentaux, et en particulier de ceux, écologiques et sociaux, qui apparaissent particulièrement bafoués par " l’exploitation sauvage de la planète, le gaspillage de ses ressources, leur gestion intéressée et à court terme (...) au nom d’une croissance économique qui ne peut durer indéfiniment dans un monde fini et qui ne profite qu’à une minorité d’individus et de sociétés les plus riches ". Face en particulier au chômage et à la précarité, aux atteintes à la couverture sociale, les organisations syndicales assurent un travail de défense et de promotion des droits sociaux, coordonné internationalement, en particulier au niveau de la Confédération Européenne des Syndicats. En dépit du travail de fond de quelques organisations environnementalistes, l’intervention sur les dossiers écologiques apparaît plus dispersée, malgré un foisonnement d’associations en réaction à tel ou tel problème local. Comme la première caravane en avait été l’occasion pour les groupes occitanistes, la seconde offrira également aux militants locaux concernés par tel ou tel aspect des multiples problèmes liés à l’eau l’occasion de se manifester publiquement et avec un minimum de coordination lors de son passage.

Le thème de l’eau, envisagé sous ses diverses dimensions, apparaît en effet particulièrement significatif des périls que fait courir à la vie sur notre planète une course effrénée à la croissance économique pilotée par les logiques de profit et de puissance. L’eau est le constituant physique indispensable à la vie des corps comme la langue est le constituant immatériel indispensable à la vie intellectuelle et affective de l’esprit et du coeur... De même que de plus en plus de peuples sont privés de la langue qui assurait leur spécificité et leur créativité culturelles, de plus en plus de personnes n’ont pas accès une quantité d’eau suffisante et saine : on estime qu’en 2032, 60 % de la population mondiale souffrira d’une pénurie d’eau, alors que dès à présent plus d’un milliard quatre cent millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, alors que dès à présent 30 000 êtres humains meurent chaque jour de maladies dues à l’absence d’eau saine ou de moyens d’hygiène adéquats. En même temps que l’on connaît parfois les effets dévastateurs d’inondations (parfois provoqués et généralement aggravés par des choix humains irresponsables), on commence à mesurer :

• la gravité de la crise hydrique qui affecte des aires géographiques où habite la majorité de la population humaine,

• les sérieuses difficultés d’approvisionnement en eau pour l’agriculture notamment en Chine, en Inde et aux Etats-Unis à cause de la baisse des nappes phréatiques provoquée par les prélèvements excessifs ces cinquante dernières années pour l’agriculture et l’industrie (y compris la production d’énergie : voir les problèmes posés par l’installation de centrales nucléaires le long de nos fleuves)

• la multiplication et l’intensification des tensions et conflits entre Etats autour de la " maîtrise des ressources en eau ".

Il n’y a pas besoin de chercher bien loin pour trouver dans nos pays occitans une déclinaison concrète de ces problèmes planétaires :

• comment sécuriser en volume et en qualité l’alimentation en eau potable des villes et villages alors que les quantités consommées ont explosé (voir maintenant chaque fin d’été l’extension des mesures restrictives, mais les piscines et les surfaces gazonnées continuent à proliférer) ?

• comment et où traiter les eaux usées pour qu’elles ne compromettent plus l’équilibre écologique des cours d’eau, des étangs et des mers ?

• comment éviter la pollution (notamment des nappes phréatiques) par les nitrates, phosphates, métaux lourds et autres substances à risques employés par une industrie et une agriculture productivistes ?

• comment corriger les conséquences négatives à long terme de grands aménagements hydrauliques comme ceux du Rhône (effets en particulier sur l’érosion des plages languedociennes) et de la Durance (combinaison désastreuse pour l’étang de Berre des rejets d’eau douce liés à une centrale électrique côtière et de la pollution des industries pétrochimiques sur son pourtour) ?

• comment concevoir la maîtrise du foncier, en particulier dans les grandes agglomérations, pour arrêter d’aggraver les risques d’inondation ?

Partout où passera la seconde caravane occitane, elle sera l’occasion de débattre des enjeux locaux autour de l’eau (en se référant aux premières réflexions en la matière des comitats de pais de Gardarem la Tèrra), et, de la même manière que le combat pour que vive la langue d’oc dans la richesse de la diversité de ses parlers est indissociable de la défense de la diversité culturelle et linguistique mondiale, cela permettra d’articuler le local et le global, le spécifique et l’universel.

De même qu’en matière de langue Gardarem la Tèrra se réfère tant à des textes et projets européens et internationaux qu’il faut faire admettre et respecter par les Etats, pour l’eau, nous nous référons aux conclusions du Forum Alternatif Mondial de l’Eau qui s’est tenu du 17 au 20 mars 2005 à Genève : l’objectif est de développer et de promouvoir des institutions et des politiques publiques qui permettent un accès de tous à l’au potable et une gestion démocratique, solidaire et durable de l’eau.

Entre autres confirmations récentes de la gravité de la situation pour le devenir de l’occitan, la loi Fillon d’orientation sur l’avenir de l’école confirme que l’État français dénie aux langues de la République autres que le français le droit de figurer dans le socle de l’enseignement public ; c’est pour pleinement s’associer à la manifestation organisée par les principales structures culturelles occitanes le samedi 22 octobre à Carcassonne et lui faire écho tout au long de sa route que la seconde caravane occitane y fera ce jour-là sa première étape.

Ainsi, fidèle au manifeste fondateur proclamé sur le Larzac le 9 août 2003, Gardarem la Tèrra entend , au-delà de la dénonciation, contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de solutions face à la crise, politique, écologique et morale qui se vit au niveau local comme au niveau planétaire :

Eau et langue sont deux terrains majeurs de la même lutte pour le droit à la vie : .aiga e lenga son dos terrens magèrs de la meteissa lucha per lo drech a la vida !

La Caravana se jette à l’eau :

Nous allons au fil des étapes de la Caravana mettre en évidence des questions bien concrètes comme celles de la pollution des rivières, fleuves et mers, à commencer par les nappes souterraines ou, dans un autre genre, celui de l’aggravation des risques d’inondations par la non maîtrise du foncier (on a vu les effets à Nîmes, Vaison la Romaine et ailleurs dans le monde) ou à l’inverse des problèmes récurrents de sécheresse (avec en permanence de lourd dégâts non seulement pour la production agricole mais aussi sur le bâti.

Egalement, la protection des sources d’eau naturelle doit être valorisée ; bref, le sujet est très ouvert mais nous souhaitons ne pas le limiter à la dénonciation en avançant des solutions concrètes dont la mise en œuvre est déjà très en retard, notamment pour la maîtrise des consommation domestiques, pour le recyclage des eaux usés traitées par exemple par la technologie des membranes ou celle du lagunage.

LA DÉCLARATION FINALE DU

FORUM ALTERNATIF MONDIAL DE L’EAU 2005

(Genève, dimanche 27 mars 2005)

"Parce que nous croyons à la force de l’action commune, nous, participants et participantes au deuxième Forum alternatif mondial de l’eau, réaffirmons notre solidarité avec tous ceux et celles qui sur nos différents continents souffrent des conséquences des problèmes dont nous avons débattu pendant trois jours."

"Chaque atelier a travaillé à définir des moyens d’action pour atteindre les objectifs sur lesquels un consensus s’était dégagé lors du premier Forum alternatif mondial de l’eau en 2003 à Florence, à savoir :

o le droit à l’eau en tant que droit humain, o le statut de l’eau en tant que bien commun, o le financement collectif de l’accès à l’eau, o la gestion démocratique de l’eau à tous les niveaux.

Ces propositions, que nous retrouverons dans les documents de travail de chaque atelier, sont diversifiées comme l’est notre monde. Elles sont des outils que nous partageons et non un programme contraignant.

Il s’est également dégagé de tous les ateliers, de manière transversale, une priorité très claire. Il faut exclure l’eau de la sphère du commerce et des règles du marché, particulièrement :

o des accords de commerce multilatéraux ou bilatéraux o des institutions financières internationales.

Il nous faut donc exiger un statut pour l’eau au plan mondial qui permettra :

o de prendre en compte la globalité du cycle de l’eau o d’en empêcher l’appropriation par qui que ce soit o d’en garantir la responsabilité collective o d’assurer sa gestion et son contrôle par une autorité publique fondée sur un pouvoir politique légitime, soumis aux règles de la démocratie.

Pour cela nous devrons le définir et former, informer et sensibiliser les citoyens et citoyennes sur l’importance de ce statut qui nous permettra de développer largement une coopération solidaire publique.

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