Discutidas / Débats

1907-2007 = l’amnésie et la crise

Lettre ouverte à la rédaction du Midi Libre, par Claude Alranq
mardi 29 mai 2007.
 
On ne présente plus Claude Alranq qui est : Auteur, metteur en scène, fondateur du « teatre de la Carriera » ... Ce qu’il nous dit dans ce texte évoquant la crise de 1907, éclaire les crises présentes et hélas à venir...

Vigneron engagé dans le patrimoine historique et la création artisique de cette région depuis une quarantaine d’années, je ne peux que me réjouir de la place que votre journal accorde à la célébration de 1907.

Néanmoins un aspect important me semble éludé, que ce soit dans votre article sur les spectacles relatant l’événement (15-5-2007) que dans les initiatives prises par les Archives, le Département et la ville de Béziers. C’est la part prise par la création régionale d’expression occitane et française dans la représentation publique de 1907 et des 100 ans qui ont suivi.

Certes des témoignages (poèmes, chants, chroniques...) écrits par les protagonistes de “la révolte des gueux” sont mentionnés et repris. Mais qu’en est-il des oeuvres (en particulier théâtrales) qui ont accompagné la vie vigneronne catalano-languedocienne de 1907 à 2007 ?

En particulier de celles qui ont pris le recul critique et artistique nécessaire à cet héritage ?

Qui parle des pièces directement en prise avec l’événement comme : “les feux de la St Jean“ (M. Cordes), “Los que sèm” (P. Pezins), “Menerbo” (E. Vieu), “Gloire et mort de M. Albert” (C. Cals), “Salut braves pioupious” (C. Alranq)... ?

Qui parle d’oeuvres comme “Villages à vendre” (Scant), “l’étang change” (Estany),“Montredon”(Benedetto), “Mort et résurrection de M. Occitania”, “la guerre du vin”, “la fille d’Occitania” (Alranq), “le fou d’Yrnel”(Vassal), “las cigalas an pas de vacanças”, “le vin des dieux” (Pastre), “miroir des jours”(Clément), “La palme du vin” (Garric) , “le paysan culturel” (Pelaez) etc-etc... qui ont étaient conçues et jouées au coeur du pays des vignes et dont certaines ont connu le honneurs du IN en Avignon ?

Pourquoi certaines créations 2007 (“les folies vigneronnes”, “l’oeno-dyssée” (la Rampe), “les rails de la colère” (Audemar)...) ne figurent pas dans les fiches ?

Où sont-elles accessibles ? Pourquoi la recherche, la presse, les médiathèques, les institutions scolaires ... sont-elles si mal informées ? Pourquoi (un exemple parmi d’autres) Béziers expose sur les Allées un Béziers 1900 plus proche du Paris de la “Belle époque” que de la culture de ceux qui ont “sué” Béziers au quotidien des travaux et des oeuvres ?

Pourquoi le téléfilm qui confronte 1907 et 2007 (“Salut braves pioupious”) ne verra pas le jour , alors que la TV nous assomme quotidiennement de productions médiocres “made in... jamais d’ici”. Une société qui n’est pas capable de se représenter à sa conscience et à la conscience de l’Autre est sans avenir culturel comme économique.

Quelle est la part de responsabilité de nos élus, de la bourgeoisie régionale, de nos intellectuels ... dans cette amnésie... CALCULEE ou PATHOLOGIQUE ?

Et c’est pourtant la dimension la plus refoulée qui porte en elle les raisons profondes de l’échec relatif de 1907 et de l’échec quasi-absolu de cent ans de “mobilisation” viticole méridionale.

Bien entendu la vigne n’a pas disparu du Languedoc-Roussillon. Elle est encore vibrante dans son coeur fertile. Mais il ne connaîtra pas d’embellie sansl’investissement de la part cachée dans les projets de l’avenir. Quelle est cette part de citoyenneté maudite ?

Claude Alranq

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